Ces trois dernières années, vous avez tourné dans de nombreux théâtres avec Portées de Femmes. Pourquoi écrire cette nouvelle création pour l’espace public ?
Mathilde Gorisse et Elske van Gelder : Notre première création Projet.PDF, Portés de Femmes est sortie en décembre 2017, et nous l’avons tourné jusqu’en avril 2022, dans des théâtres et chapiteaux de plusieurs pays d’Europe. Légendes Urbaines est née de l’envie d’emmener la singularité de notre compagnie de cirque contemporain dans l’espace public. Dans cette nouvelle création, des femmes, nombreuses, qui se portent et voltigent, donnent corps par leur pratique acrobatique à la sororité, la solidarité, le dépassement de la peur, l’effort physique ; ces acrobates questionnent les stéréotypes autour des corps et des rôles dits féminins, portées par une énergie collective sensible et explosive. Après la période de confinement, nous avions très envie de créer un projet pour l’espace public, avec une proposition qui crée des rencontres, des remises en questions collectives et des moments festifs dans la rue. Le propos de départ de Légendes Urbaines est le questionnement de nos rapports intimes à l’espace public. En tant que femmes, artistes, individus et collectif, nous partageons nos vécus, nos colères et nos espoirs. Nous creusons la question de la peur dans l’espace public, les secrets et les violences qu’elle porte.

Véritable œuvre participative, Légendes Urbaines se compose de différentes étapes faisant partie intégrante du processus de création. Pouvez-vous nous en dire plus ?
MG et EV : Nous avons imaginé ce projet comme une invitation à la rencontre, qui s’écrit à l’échelle d’un quartier. Une partie des artistes et techniciennes de l’équipe (6 personnes) arrivent sur place 5 jours avant le jour du spectacle, pour proposer des expériences publiques, temps de partage avec des groupes d’habitant·es du quartier où nous nous implantons de manière éphémère. Ces rencontres et expérimentations artistiques sont organisées en amont et préparées sur mesure avec les structures associatives de la ville : apéro/repas partagé dans un espace public du quartier, ateliers de portés acrobatiques, exploration urbaine les yeux fermés, expériences sonores en excursion dans la ville, ateliers de collage de monstres ou encore goûter-débat philosophique adultes-enfants. L’idée est d’appréhender autrement les espaces du quotidien, son corps dans la ville, être en groupe dans les rues, porter attention à nos sens. Créer de l’imprévu, de l’exceptionnel, du beau et du doux.
Le jour du spectacle, le public est embarqué dans une déambulation acrobatique et musicale à la tombée de la nuit qui se termine sur une grande place, autour d’un grand feu, dans lequel chacun·e est invité· à brûler ses peurs dans un rituel collectif libérateur et transformateur. La fin du spectacle glissera vers un temps de fête avec DJ set et discussions autour du feu, pour poursuivre ce moment convivial et clore tout ce parcours collectif. Cette fête fait partie intégrante du spectacle. Elle sera écrite, chorégraphiée et participative, dans une volonté d’inclusivité.