Pierre Bonnaud, comédien
Interview pour le livret de bord septembre-décembre 2020
crédit - Vro
Si tu devais présenter ton travail en quelques mots, lesquels choisirais-tu ?
Je suis comédien depuis 20 ans, essentiellement dans le secteur des Arts de la Rue, et en parallèle chargé de diffusion depuis une dizaine d’années. J’aime beaucoup l’étymologie du terme « animer », du latin animare (« donner de la vie »), de anima (« souffle, vie »). Un terme qui convient aussi bien au fait de donner vie, le temps d’un spectacle, à des personnages ; mais aussi de participer à une bulle d’échange avec le public, une respiration, une pause enchantée. C’est également un terme qui convient au travail de « locomotive » d’un meneur de projet : animer l’équipe de création, trouver les bons partenaires, la bonne temporalité… savoir alterner la résistance et le lâcher prise.
Plus pragmatiquement, je joue depuis 20 ans des spectacles de rue, dans des formats assez légers, avec de façon récurrente des ingrédients humoristiques et musicaux, au service du malaxage de la pâte humaine, sa splendeur et ses failles.
Après un parcours de troupe (Qualité Street, Bonobo Twist, Fracasse de 12…), te voici pour la première fois seul en scène…
Oui, après avoir beaucoup partagé la scène avec des partenaires, je me sens mûr pour tenter l’aventure en solo, dans un jeu « multi personnages » qui permet d’explorer 7 tempéraments différents, 7 sensibilités, et autant de façons de voir le monde. Un beau défi, et l’annonce d’un voyage intense dans les « gammes de gris » qui composent la nature humaine. J’ai hâte de jouer ces personnages, de sexe et d’âges différents ! J’aime faire apparaître chez un « salaud » une lueur de tendresse, ou chez un « gentil » des nuances plus sombres … Que du Bonheur proposera, à travers les entrelacs de ces regards, une tranche de vie où l’amour surgit et bouleverse, révèle la dynamique amicale et familiale du personnage central, et le révèle lui-même. J’espère que chacun pourra se reconnaître, ou reconnaître un proche dans la quête de soi-même.
Même si je suis seul sur scène, je suis très bien accompagné, par une équipe essentiellement féminine. Etant donné que Que du Bonheur donne également la parole aux femmes, ça coulait de source ; et d’une façon générale, j’apprécie beaucoup la combinaison entre patience, douceur et exigence des membres de cette équipe.
Cette création en cours s’intitule Que du Bonheur, souhait plus que d’actualité, peux-tu nous en dire davantage ?
Cette formule m’a toujours un peu glacé le sang, tout comme la question « comment ça va bien ? ». On y décèle une culture de la perfection que je trouve inquiétante, voire dangereuse. Comme ça, nous serions censés être au top en permanence ? Ça m’évoque une sensation d’apnée, de sourire artificiel. Les relations dans la famille, dans le couple, dans le cercle amical, c’est « Que du Bonheur » ? Vraiment ? Allons voir de plus près…
La co-écriture de Que du Bonheur se fait avec Véronique Gendry, psychologue, avec qui j’ai déjà une longue expérience d’écriture de scènes courtes dans notre activité de « Théâtre Miroir ». Dans ses échanges avec ses patients, elle voit surgir des thèmes récurrents que nous intégrons dans le spectacle, et que nous mixons avec mon parcours personnel. L’objectif, c’est de mettre une énergie intime au service d’un propos qui peut toucher tout le monde, à partir de 12 ans.
Quelles étapes de la création Que du bonheur allez-vous traverser ensemble lors de cette résidence à Libr’hisse ?
Le processus de création de Que du Bonheur s’étale sur un peu plus de 2 ans, et nous arrivons dans la dernière ligne droite, la première du spectacle aura lieu le vendredi 19 mars 2021 au Volume à Vern-sur-Seiche (35). Avec Emilie Pelletier, nous travaillons sur la production depuis début 2019. J’ai écrit un premier jet avec Véronique Gendry en juillet 2019, puis nous avons poursuivi le travail d’écriture, et commencé celui de mise en scène et de direction d’acteur avec Maud Jégard (Cie Queen Mother) et Marie « Magma » Magdeleine (Cie Mmm). Thomas Collet apporte ponctuellement son expérience de dramaturge, et Marine Iger accompagne la création son et lumière.
À Libr’hisse, nous bouclerons ce chantier entamé il y a bientôt 2 ans, et il nous restera une résidence à Laval pour peaufiner la mise en scène, en son et en lumière. Ça peut paraître bateau, mais j’en profite pour saluer et remercier tous les partenaires de création qui nous permettent de travailler dans de bonnes conditions.
Vice-président de la Fédé Breizh*, peux-tu nous expliquer en quoi cet engagement citoyen et militant fait sens pour toi ?
Depuis la création de la Fédé Breizh, impulsée par Le Fourneau, je suis adhérent et activiste au sein de ce regroupement de belles énergies. Fédérer, c’est « rapprocher par une alliance », et c’est déjà un grand atout de générer des passerelles pour s’entre-découvrir, mieux se connaître entre acteurs et actrices des Arts de la Rue en Bretagne. Au-delà de nos différences de pratique, de taille de structure, de champ d’action, nous partageons une même flamme, et ensemble nous sommes plus forts pour porter des revendications, inventer des outils, faire connaître nos actions, transmettre nos savoir-faire. Ça demande du temps, de l’énergie, mais ça génère beaucoup de très belles rencontres, et de beaux chantiers. Et puis, de la même façon que d’illustres prédécesseurs nous ont donné des coups de pouce et facilité la tâche, j’ai à cœur d’essayer de donner un coup de main aux nouvelles équipes qui apparaissent sur le territoire.
Un dernier mot : nous avons en Bretagne une très belle dynamique en termes de nombre d’équipes, de public et de programmation, soyons en conscients, et cultivons-la !
*Fédération des Arts de la Rue en Bretagne, rattachée à la Fédération Nationale des Arts de la Rue
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