Lucie B, une princesse qui a les pieds sur terre
Entretien mobile avec Lucie Balme, auteur, comédienne et photographe.
Suite des interviews d’artistes en résidence au Fourneau et en pays de Morlaix. Cette fois, le bruit n’est pas dans la cuisine mais dans une voiture immatriculée dans le 31, celle de Lucie B. Pour le bruit, pardonnez l’expression, ce sera Les Wampas crachant de l’autoradio riffs électriques et paroles aiguisées.
En résidence (photos par ici...) dans le cadre du Mai des Arts dans la Rue, la belle Lucie cherche des princes charmants dans les communes du Pays. Au milieu de cette quête insensée, elle a pris le temps de se prêter au jeu des questions-réponses et de se perdre avec moi dans la campagne morlaisienne à la recherche d’une maison bleue... Lucie, ne cherche plus, le prince charmant c’est moi !
Extraits de route...
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Quel est ton métier Lucie ?
C’est pas simple... Je dirais photo-poète, même si je travaille aussi la comédie et la mise en scène. Je fais des photos dans l’optique d’en faire des poèmes.
Comment en es-tu venue à la photographie ?
Dans mon parcours, le théâtre et la photo ont toujours été liés. J’ai commencé le théâtre classique à 12 ans. Puis je suis partie au lycée dans l’armée de l’air parce que mon père voulait que je sois ingénieur aéronautique. A cette époque, je n’avais rien contre cette idée, même si je gardais en tête de devenir comédienne. Au lycée, il y avait un labo photo et comme je m’ennuyais à mourir j’ai commencé à travailler la photo noir et blanc, le tirage...
Un peu plus tard, j’ai eu un accident de voiture et je suis restée à moitié défigurée pendant plusieurs années. A cause de ça, j’ai pas réussi à continuer le théâtre. Avec l’argent de l’assurance, je me suis acheté mon premier appareil photo.
Quelle est l’origine du projet « Si les princes m’étaient comptés » ?
Au départ, c’est parti d’un travail réalisé lors d’un stage avec la compagnie CIA. Le stage c’était : faite votre spectacle dans la rue en trois semaines. Moi, au bout d’une semaine j’avais fini. Puis j’ai rencontré Eric Burbail avec qui je travaille en binôme depuis 2 ans. C’est grâce à lui que la création du spectacle a pu aboutir.
Au tout début, je jouais sur les balcons. C’est la première chose qu’Eric a changée. Il a imaginé l’idée du lit mobile. Quant je jouais au balcon, c’est arrivé que des gens essaient de monter. Bizarrement, le lit induit une distance alors que je suis physiquement plus proche du public. Plus tu es loin d’eux, plus les gens ont envie de s’approcher.
Pourquoi le mythe de la princesse et de son prince charmant ?
Petite, j’ai jamais aspiré à être une princesse. J’étais plutôt garçon manqué. Je préférais m’imaginer chercheur d’or plutôt que princesse. Mais comme dans le spectacle je voulais que les hommes deviennent des princes, il a fallu de fait que je devienne une princesse.
Dans ce spectacle, tu allies la photo et l’humain. Comment conçois-tu cette relation ?
On a décidé avec Eric de travailler beaucoup sur la proximité, c’est le moteur de tout. Quand je rencontre mes princes et que je les photographie, il y a un côté très intime. Quand je parle avec les gens, j’essaie toujours de savoir ce qu’ils sont, comment ils vivent...
Après il y a une relation entre des choix esthétiques, comme l’utilisation du noir et blanc, et le sens qu’on veut donner. Ce que je voulais dire aux gens, c’est : regardez, votre voisin il est beau, loin des aprioris physiques.
Comment abordes-tu les gens ? Quelle est ta méthode ?
Il n’y a pas vraiment de méthode. Tout se joue sur un coup d’œil. Suivant la manière dont la personne te regarde quand tu te diriges vers elle avec tes fleurs, ton appareil et quand elle voit que tu n’es pas du coin, tu sais rapidement si la personne va accepter ou pas. Faut pas croire, j’ai quand même des refus. Parfois certains refusent le premier jour puis acceptent le lendemain, parce que leurs copains ont accepté. En trois jours, les gens ont le temps de parler entre eux et les bruits circulent.
La rencontre est plus simple avec des personnes seules ou en groupe ?
C’est plus simple quand la personne est seule. Ce qui est difficile c’est quand le monsieur est en couple, dans ce cas il faut arriver à trouver une connivence avec la compagne avant de s’attaquer à lui.
En groupe, c’est très motivant. Il y a quelques jours, j’ai abordé un groupe de jeunes adossés à une voiture, haut-parleurs à fond, fumant des clopes avec l’attitude qu’il faut. Je me suis plantée devant ces sept mecs avec mes fleurs à la main et je leur ai dit : je cherche le prince charmant. Au début, ils m’ont prise très au sérieux. Et tout d’un coup, le plus maigre et certainement le plus jeune de la bande s’avance et il me balance : le prince charmant, c’est moi !
Au début, je prenais beaucoup de gens du théâtre de rue ou des musiciens de jazz. Les artistes de rue par exemple mettent facilement un genou à terre pour m’offrir les fleurs. Par contre, les musiciens de jazz me demandaient souvent s’ils avaient pas l’air ridicule. C’est pas pour généraliser mais on remarque comme ça des comportements communs. J’ai pris aussi des photos avec les compagnons d’Emmaüs et je suis même aller jusqu’à l’abbé Pierre. J’étais super intimidée, à tel point que je n’ai pas osé lui dire qu’il était mon prince charmant.
As-tu d’autres projets ?
J’ai un projet de bouquin avec la mairie de Tournefeuille près de Toulouse, où je serai en résidence l’année prochaine. Le projet, c’est de passer 24 heures avec des personnes de la ville. J’ai déjà vécu 24 heures avec la factrice, 24 heures avec une enfant de quatre ans,...
Entretien réalisé le vendredi 13 mai 2005 sur la route entre Plougasnou et la Chapelle du mûr.
Merci à la gentille dame qui nous a aidé à trouver la maison bleue qui ne l’était plus.
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