Interview de Sabine Desplats, Cie Les Passeurs D’Oz
Interview pour le Livret de bord juillet-décembre 2018 du Fourneau
Sabine Desplats, chorégraphe de la compagnie Les Passeurs d’Oz |
Si l’on devait présenter les Passeurs d’Oz en quelques mots, lesquels choisiriez-vous ?
Investir les espaces de vie, s’y poser, créer pour et avec les gens.
Croiser les formes, danse, arts plastiques, théâtre.
Questionner sans cesse notre rapport au mouvement et aux mouvements du monde, au monde.
Votre projet de création Dérive(s) interroge le corps contraint et l’espace contraignant. Quel est son point de départ ?
Plus j’avance dans ma pratique du mouvement, de la danse et dans la transmission de la danse, plus je réalise la richesse que peut apporter la contrainte comme moteur pour sortir de mes habitudes, explorer des potentialités cachées et me confronter à ma relation au monde. Depuis deux ans, j’expérimente seule ou avec d’autres l’espace contraignant. Soit je choisis des espaces qui contraignent mon corps, mes mouvements, mes déplacements, soit je mets en place des contraintes qui limitent mes potentialités habituelles de mouvement, en enveloppant le corps de tissu, en reliant mon corps à un autre corps par des courroies, ce qui m’oblige à tenir compte du mouvement de l’autre... Ce qui m’intéresse c’est aussi la façon dont nous nous arrangeons avec les contraintes, comment notre libre-arbitre se manifeste-t-il face à cet espace contraignant. Les subit-il ? S’en arrange-t-il ? Lutte-t-il ? Et d’explorer les différentes possibilités qui traduisent notre rapport au monde et notre expression personnelle. Questionner à travers cela les notions de liberté, de potentialité, de ressources, de créativité.
Vous avez imaginé une scénographie impressionnante avec une grande passerelle mouvante, que permet-elle ?
Cette passerelle mouvante va nous servir de support à questionner l’équilibre, aussi bien l’équilibre individuel que l’équilibre collectif quand il s’agit de partager un territoire limité et qui plus est un territoire mouvant à risque. Elle sera aussi support pour questionner la notion du partage du territoire, question très actuelle.
Vous travaillez la création in situ « avec et pour les habitants ». Pourquoi avoir choisi l’espace public pour créer ?
Pour plusieurs raisons… Une envie d’aller vers le passant, de le surprendre lors de son trajet habituel, de tenter une autre rencontre, de lui offrir un autre regard sur son environnement. Pour jouer, tout simplement, retrouver cette poésie de l’enfance où un banc devient radeau, un trottoir une passerelle au-dessus d’un précipice. Une envie également d’investir ces lieux publics autrement que ce pourquoi ils ont été créés. Investir un banc autrement que pour s’y asseoir. Sortir des conventions et des zones de confort. Questionner ces espaces publics, lieux de circulation, d’attente, de passage, de rencontres... Et puis simplement sortir de ma zone de confort, me mettre en risque.
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