Albane Danflous et Gabriel Soulard, directeurs artistiques de la compagnie Mycélium
Interview pour le livret de bord février-juin 2022
La parole à Albane Danflous et Gabriel Soulard, directeur·rice·s artistiques de la compagnie Mycélium
Après la nature avec la S.T.R.I.N.G, la terre avec Croûtes, célébration terreuse, vous interrogez à nouveau les questions environnementales et les rapports de l’Homme à son environnement en abordant un thème assez méconnu : la trame noire des villes. Qu’est-ce qui s’y cache ?
Albane : Plein de bestioles s’y cachent, mais aussi nos peurs les plus ancestrales ! La notion des corridors écologiques propose de ménager des espaces pour la biodiversité afin qu’elle se déplace entre des réservoirs plus favorables. Dans la loi française, cela se traduit par les trames vertes et bleues : vertes pour la faune et la flore terrestre, bleues pour les espèces aquatiques. La trame noire c’est une déclinaison de ces réseaux écologiques pour la faune et la flore qui nécessitent des espaces sans lumières pour accomplir tout ou partie de leur cycle de vie. Une nouvelle fois avec ce thème nous touchons du doigt le conflit existant entre nos besoins, rationnels ou irrationnels (on n’a peut être pas besoin d’autant de lumière, 80% des Humains n’ont plus accès à la nuit noire étoilée), et les besoins des autres êtres vivants.
Votre présence sur le territoire de Morlaix Communauté se fait dans le cadre d’une collaboration avec les élèves du BTS GPN (Gestion et protection de la nature). Quelles actions menez-vous avec les étudiants ?
Gabriel : En effet ce projet est né d’une rencontre avec un ami enseignant dans ce BTS, autour de notre création entamée depuis 2 ans sur et avec les chauves souris, "la symphonie des chauves-souris" (création 2022). Nous allons fabriquer une concertation spectaculaire conduite par les 53 étudiants qui iront à la rencontre des habitants, pour recueillir leurs avis sur une réduction de l’éclairage nocturne, mais aussi pour provoquer, magnifier, représenter, faire s’imaginer, transcender la vie nocturne... tout ce qu’une approche artistique peut apporter à des démarches souvent assez technocratiques, peu accessibles et qui n’intéressent au final pas grand monde.
Pour terrain de jeu, vous exploitez le site de l’ancienne Manufacture de Tabac de Morlaix. Parlez-nous de cet endroit et la présence des chauves-souris ?
Gabriel : L’ancienne Manufacture de tabac est surtout un bon camp de base pour aller à la rencontre des habitants humains et non humains, dans toute la ville et au-delà. Le collectif humain qui y tisse des liens est déjà d’une grande richesse pour nous. Pour ce qui est des chauves-souris, on trouve en plus des espèces en colocation régulière avec notre espèce, des Grands Rhinolophes. Ils sont intéressants pour nous car les scientifiques les soupçonnent de chanter, et leurs modulations d’ultrasons sont très riches également pour chasser dans des terrains encombrés (feuillages...). Nous arrivons parfois à détecter ces sons dans le cadre du spectacle La symphonie des chauves souris pour en faire de la musique et tentons avec le public de leur renvoyer des sons en retours. Avec les Rhinolophes, ça marche !
Rencontrer ces autres manières de percevoir le monde, comme les chauves-souris se construisent des paysages sonores par écholocalisation, ce sera peut être un des thèmes également repris par les étudiant·e·s pour aborder le sujet plus général de la réduction de l’éclairage nocturne.
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