Le Groupe ToNNe avance au pas des ânes
Résidence de création de Passage du Nord-Ouest du 9 au 20 juin 2020
Après leur résidence à Arctic Bay, village inuit du Grand Nord canadien, écourtée en raison de la crise, Maude et Mathurin ont retrouvé la France confinée. Face à la situation, la création s’est transformée, NuNaVuT ! est devenu Passage du Nord-Ouest...
L’équipe du Groupe ToNNe se retrouve en Finistère du 8 au 20 juin 2020, pour la première résidence collective de ce projet, d’abord pour un laboratoire d’écriture et de création à Brest, puis pour une expérimentation de l’itinérance en Pays de Quimperlé.
Deux semaines si riches qu’il est difficile de les relater dans le détail... Cette collection d’anecdotes vous permettra d’apprécier l’ampleur de l’aventure artistique et humaine vécue par les équipes du Groupe ToNNe et du Fourneau.
En complément, nous vous invitons chaleureusement à visionner la vidéo captée à cette occasion : Résidence Passage du Nord-Ouest
Du 9 au 14 juin, écriture et travail au plateau à Brest
Mathurin, Maude, Nath, Brice, Céline, Charlotte, Thomas, Julie, Olivier, Julien : toute l’équipe du Groupe ToNNe se retrouve au Fourneau mardi 9 juin. Tout de suite, la grande halle du lieu de fabrique se remplit avec frénésie : débarquement du matériel et des costumes, début du bricolage de décors, comédiens répétant leurs textes dans tous les coins...
Quel plaisir que ce fourmillement artistique qui reprend au Fourneau !
Mardi 9 et jeudi 11 juin, Maude et Mathurin se rendent à l’école primaire Kerbernard de Brest afin de raconter aux enfants leur voyage au Nunavut et leur remettre deux souvenirs de leur aventure : une photo géante du village Arctic Bay, affichée à l’entrée de l’école, ainsi qu’un Livret de Passage, Jours trop courts au Nunavut, récit de ce voyage au bout du monde sur fond de crise sanitaire.
Vendredi 12 juin, les membres du conseil d’administration du Fourneau ont été invités (sous protocole sanitaire stricte) à revenir au lieu de fabrique pour la première fois depuis le confinement ! Un moment fort en émotion... à revoir dans l’œil de Jacques.
Au programme : récit de voyage de Maude et Mathurin, visionnage de photos d’Arctic Bay et des habitant.e.s rencontré.e.s sur place, livres sur les explorateurs polaires, lecture d’extraits de texte par Maude accompagnée de Julien à la guitare...
Sans oublier bien sûr une présentation de l’aventure que le Groupe ToNNe souhaite expérimenter la semaine suivante en Pays de Quimperlé : une itinérance à pied, accompagnés par des ânes, pour traverser un territoire en jouant tous les soirs un spectacle dans un village différent.
"Nous avons vécu le début du confinement au Nunavut, en sommes rentrés en urgence, le spectacle que l’on devait faire à partir de nos rencontres là-bas ne pourra pas s’écrire comme prévu, et je réfléchis à raconter l’histoire de Roald Amundsen lors de sa traversée du passage du Nord-Ouest en 1905, une aventure épique qui me permettra de raconter beaucoup de choses actuelles. [...]
L’ambiance n’est pas très gaie, chacun est confiné chez lui, on voit se rapprocher la perspective de nous retrouver dans la grande halle du Fourneau, sans l’équipe dans les bureaux, et sans autorisation d’aller dehors pour répéter. On se dit que ça va être un peu triste... [...]
Début mai, j’ai une espèce d’intuition : « Et si on faisait une semaine de création d’un spectacle au Fourneau, puis une semaine en itinérance avec des ânes en Bretagne ? » [...]
Quand Caroline Raffin nous fait le point, mardi 9 juin au matin, sur l’avancée du dossier, on comprend vite les montagnes qu’elle a dû déplacer pour rendre imaginable cette aventure. Isabelle Chardonnier, la directrice de la DRAC Bretagne soutient notre proposition, mais il faut réussir à convaincre la préfecture. Je suis très touché par ce mot parce que c’est justement l’objectif de ce périple en âne : nous redonner foi dans le fait qu’il est encore possible d’inventer des choses et de proposer des temps de rencontre et de spectacle. [...]
L’autorisation du préfet arrive le jeudi soir à 22h : nous pourrons proposer notre Passage du Nord-Ouest à Arzano, Locunolé et Guilligomac’h, du 15 au 19 juin 2020 !"
Mathurin Gasparini
À l’écoute de ces récits se lit l’émerveillement et l’envie dans les regards de l’assistance...
À peine 4 jours de travail au plateau avec l’équipe au complet et le Groupe ToNNe reprend la route afin de poursuivre l’aventure du Passage du Nord-Ouest en sud-Finistère !
Du 15 au 20 juin, itinérance et expérimentation en Pays de Quimperlé
Grâce à l’appui de Quimperlé communauté et des mairies d’Arzano, Locunolé, Guilligomarc’h, et la collaboration avec l’asinerie de Kergall et l’Épisure - épicerie solidaire d’Arzano, cette aventure est rendue possible.
Un parcours de randonnée sur 4 jours est déterminé, qui permettra à l’équipe d’aborder différents questionnements artistiques en cours de route : traverser des territoires, vivre et marcher ensemble, raconter l’aventure polaire au Nunavut et colporter l’épopée arctique de la Gjoa et du Capitaine Roald Amundsen.
D’abord, le Groupe ToNNe fait la connaissance des ânesses qui accompagnent le voyage, "de tous gabarits et couleurs : Serpolette est grande et blanche, elle ressemble presque à un mulet, tandis que Justine est une toute petite ânesse noire." - Mathurin Gasparini
Serpolette, Bimbo, Pâquerette (dite Paquita), Justine, Grenouille, puis Azimut et enfin Épi : une véritable histoire d’amour s’écrit entre les ânesses et les marcheurs !
Ensuite, il est essentiel de commencer l’apprentissage de la gestion des ânesses pour les artistes qui, pour la plupart, n’ont jamais côtoyé ces animaux : prendre le temps de les connaître, savoir l’organisation du bât (c’est à dire le chargement), dire un âne batté (et jamais un âne battu), aborder la marche avec eux, comment les faire avancer, s’arrêter, redresser le paquetage pour ne pas les déséquilibrer, passer le harnais, ...
Claire et Thomas de l’asinerie de Kergall, mais également Juliette, praticienne en médiation équine dans le Finistère qui a l’expérience de l’itinérance, sont mobilisée pour l’occasion, prennent le temps d’expliquer, de faire la démonstration, d’observer, de conseiller... et même d’accompagner quelques étapes !
Et c’est le grand départ !
"L’après-midi, lorsque nous passerons devant leur maison pour continuer notre route, nous serons heureux de voir que les ânesses nous emboitent le pas sans hésiter et semblent en confiance avec nous." - Mathurin Gasparini
Parfois c’est idyllique. Parfois... c’est moins drôle. Randonner, c’est aussi marcher sous la pluie, se perdre, débroussailler les chemins parfois peu empruntés... C’est là que se réalisent les difficultés d’une telle aventure, mais aussi que se révèle la force du groupe : jamais les sourires ne quittent les visages.
"Le mercredi, quand nous repartons de la pause déjeuner, nous comprenons assez vite que la carte n’est plus à jour, nous ne trouvons pas l’itinéraire prévu, une averse se met à tomber, on repasse quatre ou cinq fois au même endroit, essaie des chemins qui n’ont pas été empruntés depuis le déconfinement, où il faut casser les fougères avec des bâtons pour nous frayer un passage, sous des trombes d’eau. C’est un moment d’aventure épique, on est trempés, perdus, il pleut, on joue dans quatre heures, mais comme dit Maël, les moments faciles ne laissent pas de souvenirs !" - Mathurin Gasparini
L’arrivée dans un village est toujours un moment fort, synonyme de fin d’étape, de rencontre avec le public qui approche...
Et même sous la pluie, le convoi de marcheurs et d’ânesses ne passe pas inaperçu !
Le matin doit se tenir l’un des moments importants de la journée : la pesée ! Il s’agit de bien équilibrer les sacs, puis de les répartir équitablement sur le dos des ânes. Une mission rondement menée par Maude à la pesée et Brice à la répartition des poids sur le dos des porteuses !
Céline, plasticienne et scénographe, possède l’incroyable faculté de dessiner en marchant... Elle nous livre à travers quelques croquis son regard sur l’itinérance.
Une fois la marche achevée, priorité aux ânesses : il faut les nourrir, les brosser, les soigner. Thomas de l’asinerie passe tous les soirs pour déposer le foin, les granules, l’enclos, les pommades aux huiles essentielles pour soulager des frottements dus aux bâts...
Ensuite, installation de l’espace du jeu, mise et costumes, accueil du public, représentation, installation du campement... Toujours quelque chose à faire dans cette petite fourmilière !
"À Guilligomarc’h nous installons le spectacle pour l’heure de jeux, entre deux averses, il pleut encore dix minutes avant le début du spectacle. Nous aurons beaucoup de chance : pendant la représentation le ciel se dégagera et nous finirons dans un rayon de soleil et une belle euphorie, due également au fait que nous avons trouvé comment intégrer Céline, notre plasticienne et scénographe, dans le spectacle." - Mathurin Gasparini
Les jours passent, les kilomètres et les nuits sous tente défilent, et pourtant chaque soir nous sommes émerveillés par l’énergie infatigable qui se dégage de l’équipe de ToNNe dès qu’ils sont devant un public.
Passage du Nord-Ouest s’inspire de l’histoire des régions polaires, de romans, de récits d’ermitages ou d’aventures, d’écrits scientifiques sur le réchauffement climatique. Des extraits de ces écrits sont lus au public à son arrivée.
Il s’agit de construire un récit autour de l’épopée arctique de la Gjoa commandée par le capitaine Roald Amundsen, premier bateau à franchir le passage du nord-ouest. À cette aventure se mêlent des questions actuelles, comme la modification des modes de vie des inuits, ou le réchauffement climatique qui ouvre une nouvelle histoire de cette mer autrefois inaccessible : voie maritime commerciale.
Chaque soir, le spectacle s’enrichit de nouvelles scènes, de nouvelles tentatives plastiques ou musicales... Les artistes intègrent progressivement, au cœur du récit sur les aventuriers traversant le passage du nord-ouest, un récit plus intime sur leurs propres traversées du pays de Quimperlé à dos d’âne.
Vous pouvez retrouver les expérimentations de Passage du Nord-Ouest dans l’œil de Jacques..
Uniquement sur inscription, invité par les mairies des communes et dans la limite de 30 personnes, le public est au rendez-vous et avec lui le sens de nos métiers à chacun.e ressurgit. Qu’il est bon de retrouver le spectacle vivant !
Le mot de la fin est pour Mathurin :
"C’est la dernière journée de notre périple, pourtant on a l’impression d’être partis depuis très longtemps, on se sent usés et fatigués mais néanmoins aguerris. [...]
Nous sommes heureux de l’endroit où nous avons emmenés cette création en seulement quinze jours et avons hâte de continuer à développer ce théâtre d’aventure." - Mathurin Gasparini
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