Midi/Minuit, un laboratoire artistique pour les enfants
DañsFabrik dans les quartiers de Brest !
À l’occasion de la 8ème édition du festival de danse contemporaine brestois DañsFabrik, Le Fourneau et Le Quartz ont invité la compagnie Rhizome à installer sa mini-spire au centre social Les Amarres à Keredern les mercredi 20 et jeudi 21 février 2019, puis à l’école Pen ar Streat, dans le quartier de Pontanézen, les mardi 26 et mercredi 27 février 2019.
Plus d’une centaine d’enfants de 6 à 12 ans ont participé au projet Midi/Minuit, un atelier de découverte artistique de deux heures inspiré de La Spire, spectacle de danse et acrobaties aériennes sur un agrès monumental en forme de spirale. Retour sur cette deuxième session d’ateliers à l’école primaire de Pen ar Streat...
Midi/Minuit est un projet pensé et écrit par Chloé Moglia, directrice artistique et interprète de la compagnie Rhizome. Conçu comme un observatoire artistique, c’est une forme expérimentale à travers laquelle deux artistes invitent l’imaginaire des petits à cheminer, suspendus dans un ensemble de lignes. La mini-spire, trois fois plus petite que celle du spectacle La Spire permet aux enfants d’entrer en résonance avec elle. En dessinant, en écrivant ou en pratiquant, ils témoignent des chemins vécus ou rêvés.
C’est guidés par les deux femmes que les petits brestois ont eu l’opportunité de découvrir une nouvelle discipline artistique.
La Mini Spire est un agrès trois fois plus petit que la Spire, elle fait pourtant déjà plus de deux mètres de hauteur.
LIGNES, SPIRALES, AIR
L’atelier débute naturellement par un temps d’appréhension de la structure, les enfants sont ensuite questionnés par les artistes Mélusine et Mathilde sur cet agrès pas comme les autres. "Qu’est-ce que vous voyez devant vous ? Les jeunes répondent instinctivement : des ronds, des cercles, des spirales... Et c’est tout ?" Les artistes amènent les enfants à regarder de plus près et à observer la colonne d’air au centre des lignes, mais aussi l’air dans la pièce tout autour d’eux.
Divisés en deux groupes, des enfants s’éclipsent dans la pièce voisine pour réaliser un dessin collectif autour de trois thèmes, lignes, spirales et air, tandis que les autres restent autour de la spirale.
L’ATELIER DESSIN // UNE ŒUVRE COLLECTIVE
Spontanément, les enfants se mettent à dessiner ce qu’ils viennent de visualiser, ils tracent des spirales. Certains d’entre eux imaginent des animaux ou des objets rappelant cette forme. Escargots, ressorts, escaliers en colimaçon, tornades et autres tourbillons prennent forme sur le papier. Les lignes, sont matérialisées par des chemins, des routes, ou simplement des mots. Car finalement, les mots ne sont-ils pas des lignes auxquelles on donne du sens ?
Pour le thème de l’air, c’est une autre paire de manches. Certains groupes se concertent même pour trouver l’inspiration. "Comment dessiner l’air ? (…) À quoi ça sert l’air ?" Ces questions guident les petits artistes en herbe vers des esquisses d’oiseaux, de papillons, de cerfs-volants et de moulins à vent.
Une petite fille inspirée invente même un poème : "L’air nous aide, nous rend libres, il nous fait vivre ! Pour moi l’air, c’est le vent, c’est l’eau." Romane, 8 ans.
Un autre jeune, plus pragmatique, inscrit dans un coin de la feuille : "dans l’air, il y a de l’oxygène".
La magie des enfants, c’est aussi qu’ils n’ont pas peur d’inventer ! C’est ainsi que prennent place au milieu des dessins, des mots inventés comme « risquair et tournade », un des petits garçons invente même un génie de l’air sortant d’une lampe.
ÊTRE LIBRE ET TROUVER L’ÉQUILIBRE
De l’autre côté, la rencontre avec Mathilde et Mélusine se poursuit autour de la spire. Premier challenge donné aux enfants : découvrir la structure en déambulant au creux et autour des anneaux. En deux petits groupes, les jeunes marchent à leur rythme dans ce nouvel espace, observent la structure tout en courbes. Les deux artistes les accompagnent et attirent l’attention de chacun sur sa propre respiration. Cette étape franchie, les enfants sont invités à renouveler leur découverte de la mini-spire avec comme mot d’ordre cette fois : faire ce qu’ils souhaitent ! "Vous êtes libres ! Totalement libre de faire ce que vous voulez !" Les premières réactions des jeunes sont souvent l’incompréhension "ah bon ? Mais chez moi je ne fais jamais tout ce que j’ai envie". Ce sentiment est vite surmonté par la curiosité et l’envie de découvrir l’objet qu’ils regardent depuis plusieurs dizaines de minutes.
Certains téméraires, grimpent vite sur la spirale même si "ça fait mal aux mains !" D’autres, plus prudents, tâtent la structure avec précaution avant de s’aventurer à monter sur les arceaux. Plusieurs d’entre eux n’hésitent pas à demander de l’aide aux deux expertes, et grâce à leur bienveillance et un certain courage, parviennent à monter à leur tour. Les enfants apprivoisent les volutes d’acier et se confrontent à la dureté des matières qu’ils appréhendent à la mesure de leurs possibilités.
ÉCHANGES ET PERFORMANCE
Ce cheminement entre imaginaire et engagement physique fait ensuite place à l’échange. Tous les enfants se retrouvent pour partager leur expérience. Les dessins sont dévoilés aux yeux de tous, les enfants prennent la parole pour expliquer leur démarche, raconter leurs dessins. Chaque enfant choisit un mot qui lui fait penser à l’air : vent, tempête, souffle et respiration sont les plus courants, cependant un des groupes d’enfants pense plutôt à des éoliennes et même des sèche-cheveux ! "L’air est partout !"
Suite à ce moment de partage, c’est maintenant aux artistes de dévoiler ce qu’elles voient dans cette spirale. "Nous aussi nous avons inventé des images, la première fois que nous avons vu la mini-spire, nous avons pensé à une planète, puis à une horloge et aux aiguilles qui parcourent inlassablement le temps sur un cadran." Cet atelier s’appelle Midi/Minuit car les artistes ont divisé cette horloge, non pas en 12, mais en 24 fuseaux horaires.
Sur une horloge divisée en 24h, si midi est en haut, où se trouvera minuit ?
"Nous imaginons un cycle qui se poursuit, comme les lignes de la spirale, une journée qui laisse place à autre, dont on ne sait rien et qui reste à inventer. Ce cycle pourrait aussi être une année, 365 jours, 12 mois, 4 saisons. Une année commence, les saisons passent, puis, un nouveau cycle peut commencer, où tout est de nouveau possible, où tout peut recommencer mais pas à l’identique. Ce cycle pourrait aussi être le début d’une action, et cette action pourrait débuter comme ça (…)"
Dans la douceur et la poésie des derniers mots prononcés par Mathilde, les deux artistes amorcent des mouvements subtils, des gestes qui portent le début de l’action, elles s’élèvent sur la spirale à la force de leurs bras. Souffle, respiration et tremblements à peine perceptibles les propulsent au sommet de la spirale. La musique des mots laisse place à la musique enregistrée, composée spécialement par Marielle Chatain pour rythmer la performance de Midi/Minuit et les mouvements des deux corps en équilibre tout au long de la performance.
Les deux artistes se balancent au rythme de deux aiguilles d’un cadran à la force de bras.
Les enfants happés par l’instant se laissent porter et débutent un voyage qui durera 30 minutes. Une demi-heure d’équilibre, de balancement et de suspension où force et légèreté se côtoient habilement pour ne laisser place qu’à la poésie. Deux corps qui se regardent, qui s’entraident parfois. Une danse comme un cycle, qui se termine sur une action, qui laissera place à la suivante, mais pas la même, une différente.
Exaltés par ce spectacle, les questions des enfants fusent : "Comment vous faites ça ? Vous êtes trop fortes ! Moi je ne pourrai jamais faire ça ! C’est quoi le blanc sur vos mains ?" Les deux artistes ont à peine le temps de reprendre leur souffle, qu’elles répondent déjà à toutes leurs questions. L’occasion pour les petits d’en apprendre plus sur le parcours des deux artistes et de comprendre qu’avec un peu de magnésie et surtout beaucoup de travail, on peut danser dans les airs.
Cette expérience de deux heures n’a laissé ni les artistes, ni les jeunes participants indifférents. D’autant plus que plusieurs d’entre eux se sont rendus aux Ateliers des Capucins le samedi 2 mars avec leur famille pour admirer les artistes dans le spectacle La Spire, programmé dans le cadre du festival DañsFabrik.
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