Le souffle du Grand Nord traverse Kerbernard
Carnet de bord : 2ème semaine de résidence du Groupe ToNNe à l’école
Du 2 au 5 décembre 2019, Le Groupe ToNNe a poursuivi sa résidence à l’école de Kerbernard autour du projet J’habite ici : de Brest à Arctic Bay, de la Bretagne au Nunavut.
Rencontre avec les Urban Sketchers de Brest
Cette seconde semaine de résidence commence sur les chapeaux de roues pour les enfants de CM1-CM2 associés au projet. En effet, suite à la visite du quartier réalisée avec Mathurin la semaine précédente, les enfants ont sélectionné des espaces de leur quotidien qu’ils apprécient particulièrement. C’est ce lundi 2 décembre, qu’ils ont pour mission de les esquisser sur le papier. Pour enrichir cette matinée de (re)découverte du quartier, Mathurin et Maude du Groupe ToNNe ont invité les Urban Sketchers de Brest à venir dessiner avec les enfants. Ce groupe d’artistes se rassemble plusieurs fois par semaine pour "montrer le monde de dessin en dessin, (...) et créer des liens entre croqueurs dans le monde entier."
Ils sont une dizaine à participer à cette aventure aux côtés des jeunes. Dès 9 heures, la joyeuse troupe s’équipe de manteaux et d’écharpes et part croquer le quartier. Le froid est mordant mais la lumière est belle. Chacun se trouve une petite place dans l’espace. Le jardin partagé et un immeuble rouge et blanc font particulièrement mouche dans les yeux des artistes. Plusieurs enfants se positionnent aisément à côté d’un urban sketcher, les échanges se font naturellement sur de nombreux sujets : la vie dans le quartier, la famille et bien sûr les techniques de dessin et d’aquarelle !
Chantal, artiste brestoise témoigne de son expérience avec les enfants : "Côté urban sketcher c’était super de partager ce moment de calme à dessiner tout en discutant avec les enfants. Nous avons goûté un bon temps intergénérationnel, la découverte d’un beau projet et l’énergie des intervenants, enseignants et artistes. On recommence quand vous voulez !"
Une matinée sur la banquise avec France
La semaine se poursuit avec la venue en classe de France Pinczon-du-sel, la navigatrice du Vagabond. L’aventurière raconte aux enfants sa vie dans le Grand Nord, la banquise, les trajets en bateau. Elle explique que le Vagabond est leur maison, leur outil de travail et leur moyen de transport. Elle décrit pourquoi parfois l’hiver ils doivent rentrer en France, pour voir leur famille, leurs amis, et construire les projets futurs avec les instituts scientifiques d’ici.
Cette matinée est aussi l’occasion pour France de raconter comment ses filles vont à l’école avec les inuits : "nous utilisons l’annexe (le petit canot) pour aller du bateau à l’école l’été, les skis, la moto neige, et nous y allons à pied quand nous sommes pris dans la banquise." France évoque en détails ce grand blanc de neige et de glace, sa solidité, sa beauté et les difficultés que cela peut entraîner. Elle raconte que sa seconde fille s’appelle Aurore comme les aurores boréales et explique au groupe que c’est comme un rideau vert ou rouge dans le ciel, en mimant le mouvement avec ses mains.
De gauche à droite, Maude, France et Mathurin devant l’école Kerbernard après une matinée de voyage avec les enfants.
La rencontre est intense, les élèves sont captivés par toutes ces histoires d’aventure dans le Grand Nord. Curieux, ils profitent de la présence de la navigatrice pour lui poser des questions sur cette vie hors du commun. " Comment vous faites pour dormir quand il fait tout le temps jour ?" France répond à chaque question avec justesse : "ce n’est pas facile de garder le rythme, notre moyen à nous, été comme hiver, c’est de conserver les heures et le rythme des repas, nous utilisons nos montres pour tenter d’avoir des repères même si nous les perdons vite. (...) Les enfants de là-bas se font complètement entraîner dans d’autres rythmes. Ils ne se couchent plus l’été et parfois ne se lèvent même plus pour aller à l’école l’hiver. Mais c’est ainsi, dans leur culture rien n’est dirigiste ou obligatoire, et surtout pas l’école. Ils apprennent surtout en observant."
France répond à plusieurs questions sur le mode d’alimentation des inuits. Elle explique notamment qu’il n’y a qu’un seul magasin à Arctic Bay, "il est approvisionné l’été par un gros cargo et par avion pour les produits frais. Tout ce qui arrive par avion est extrêmement cher. Tout le monde mange du phoque chassé sur la banquise, la viande est indispensable à la survie dans ce grand froid. Ils la mangent souvent congelée. Ils découpent très vite la bête après l’avoir tuée et ensuite peuvent la laisser congeler, ils ne s’embêtent pas toujours à la faire cuire pour la manger. De fait avec le froid, il n’y a quasiment pas de bactéries, ni de microbes et peu de virus. De manière contradictoire des gens meurent de la tuberculose, car certaines familles vivent à dix dans des maisons faites pour trois ou quatre, sans ouvrir les fenêtres pendant des mois à cause du froid."
Durant cette première partie de la matinée, de nombreux sujets sont abordés. Les échanges sont substantiels. Ces témoignages de vie offrent aux jeunes un autre regard sur la réalité dans le Grand Nord.
Après la récréation indispensable de 10h30, la discussion se poursuit autour du parcours de France. Elle raconte ses études aux beaux-arts et son métier de designer de bateaux. Elle explique la manière dont à la suite d’un voyage en Antarctique elle a rencontré Eric, son mari, au salon nautique de Paris et son projet du Grand Nord et de Vagabond. C’est à ce moment précis qu’elle a décidé de suivre ce chemin. France prend le temps de retracer son parcours pour mettre en valeur le fait qu’elle ne savait pas où ses choix la conduiraient quand elle était encore à l’école. Elle souligne l’importance de croire en ses rêves et suivre ses passions. Elle prend aussi un temps pour parler du rôle crucial des femmes dans la culture inuit et du grand respect qui leur est porté en Arctique.
La matinée se termine par la projection d’un documentaire, Aventure sur la banquise réalisé par Katia Chapoutie, qui porte sur la vie de la famille du Vagabond, France, Éric et leurs filles Léonie et Aurore. Les images racontent les mots que France leur a transmis plus tôt. L’attention est à son comble, les enfants se projettent dans leur vie et sur la banquise.
C’est forts de ses échanges que les enfants terminent la semaine aux côtés de Maude et Mathurin. Au programme de cette fin de résidence :
- Ateliers théâtre parsemés de douches énergétiques, de relaxation guidée, de jeux d’observation dans l’espace, menés par Maude.
- Ateliers de cartographie subjective avec Mathurin : sur la base des cartes sensibles que l’on peut trouver sur le site du POlau, Mathurin met en exergue la multiplicité des types de cartes. En effet, un même espace géographique peut être présenté de manières très différentes en fonction de ce que l’on souhaite y faire ressortir.
Il leur demande ensuite de dessiner leur propre carte en couchant sur le papier le trajet de chez eux à l’école. Mathurin explique l’objectif de l’atelier : "c’est qu’ils puissent extérioriser leur rapport avec leur lieu de vie, leurs habitudes et prendre de la distance." Ils poursuivent ce travail en dessinant « leur vision » du Pôle Nord sur des formats cartes postales. Les enfants écrivent également au dos ce qu’ils aimeraient dire à un enfant vivant à Arctic Bay.
Ces cartes subjectives sont exposées dans l’école ainsi que les cartes du Pôle Nord le jeudi 5 décembre, lors du dernier jour de cette première résidence. Elles resteront accessibles aux yeux des enfants de l’école en attendant le retour du Groupe ToNNe au mois de février 2020. Ces créations destinées aux enfants inuits, partiront ensuite vers le Grand Nord lors de la résidence de Maude et Mathurin sur le Vagabond en mars 2020.
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