"Kamchàtka" par la compagnie Kamtchàtka
Les Carnets de la Chimère #15
Clohars-Carnoët, samedi 31 du mois d’août,10h36, je me pose sur le banc d’un superbe point de vue d’où je vois le ciel et la mer se rejoindre dans un bleu gris vert un peu brumeux : glaz comme on dit ici en Bretagne. Un bateau navigue au loin..
Le soleil se lève, la brise est un peu fraîche et se glisse entre mes plumes ; chacun vaque à ses occupations : rêverie les yeux fixés sur la mer, lecture du “Télégramme” ou discussion entre amis, On attend le début du spectacle de Kamtchatka en déambulation...mais par où vont-ils arriver ? Par la mer ? Par la terre ? Moi, animal de terremer, tout me va,,
Soudain, du haut de la falaise plus loin, à 11h11, j’aperçois des hommes et des femmes alignés, statiques, face à la mer : ils semblent regarder dans notre direction. Ils portent des manteaux, des valises et parfois des chapeaux. Ils se donnent la main pour descendre la falaise, on dirait les personnages animés de Folon qui annonçaient la fin des programmes et l’heure de se coucher à la télé dans les années 70-80 – Oui je sais, la chimère n’est pas toute jeune ! On les retrouve sur notre esplanade devant un muret. Ils ont l’air de venir d’une autre époque dans leurs vêtements surannés et leurs valises en carton . Ils semblent surpris de nous voir. Le silence se fait. Qui sont-ils ? Des voyageurs ? Des migrants ? “Bienvenue ! ”crie un homme dans le public. Aussitôt un sourire se dessine sur leurs visages ; un chien aboie et le groupe se met aussitôt en retrait, visage fermé,
valise ramenée à la poitrine. Il y a de la méfiance. Nos échanges de regard ramènent le sourire sur leurs visages : je comprends que c’est leur mode de communication. Peut-être viennent-ils de si loin qu’on ne peut absolument pas communiquer dans une langue commune ?
Ils traversent la foule, rencontrent sur leur chemin une femme assise en train de manger. Ils se posent en cercle devant elle, l’observant avec envie : ont-ils faim ? La femme leur adresse un large sourire : une des migrantes s’approche d’elle et se voit offrir une pastille, un bonbon ? S’ensuit une danse “eucharistique” où la femme partage ses pastilles avec tous les migrants à genoux qui la remercient chaleureusement en l’entourant de leurs bras dans un cercle d’amour.
Le groupe poursuit son chemin, se retrouve devant un muret à gravir : le groupe passe puis devient passeur car il aide également le public à franchir le mur. “Merci” dis-je à l’ homme qui m’a aidée. Une chaîne de solidarité s’est créée spontanément. Nous devenons tous migrants et nous continuons la route vers l’inconnu.
Bientôt la plage : à chaque étape nous devenons de plus en plus solidaires, nous nous accompagnons les uns les autres.
Je suis noyée (un comble pour moi ! ) mais aussi portée par la foule . Rien n’est dit, tout se passe dans le regard, les sourires et les accolades : c’est fort ! Je suis remplie d’amour et de fraternité et m’en vais plonger dans la mer, sereine et rassurée sur le genre humain.
Chimèrement vôtre.
Répondre à cet article