Capulets/Montaigus : 2ème mi-temps à Rostrenen
Après deux premiers jours de rencontre et d’ateliers en novembre dernier, les membres du collectif Lyncéus étaient de retour du 1 au 3 mars au Lycée Rosa Parks de Rostrenen pour poursuivre la collaboration artistique avec les 42 élèves de Terminale Agent de Sécurité (TAS) et de 1ère Animation Enfance et Personnes Âgées (1AEPA).
La séquence d’ateliers de janvier ayant été annulée en dernière minute en raison d’un cas positif COVID au sein de l’équipe artistique, ces retrouvailles étaient attendues de part et d’autre avec un mélange d’impatience et d’appréhension...
Élèves et artistes s’étaient quitté·es sur un tirage au sort des deux clans Montaigus et Capulets.
Qu’en reste-t-il près de trois mois plus tard dans l’esprit des adolescent·es ?
Avant de sonder leurs états d’esprit, l’équipe artistique, composée de Fernanda Barth, d’Antonin Fadinard et de Sébastien Depommier, est accueillie chaleureusement par Jean-Baptiste Le Picard, professeur référent du projet.
L’occasion pour Fernanda, qui n’était pas présente lors de la première rencontre, de questionner le formateur sur l’univers pédagogique du lycée Rosa Parks et de mieux connaître les élèves concerné·es.
Après un passage en revue du trombinoscope, Antonin rappelle l’organisation et le contenu de ses 3 jours d’ateliers :
- Chaque matinée, les élèves sont réparti·es en trois groupes pour des ateliers en petit comité animés par les 3 artistes. Chaque intervenant est libre de son programme autour de l’éveil corporel et des jeux de théâtre ;
- Chaque après-midi, en groupe complet, les élèves travaillent sur des exercices d’improvisation théâtrales avec en ligne de mire, le travail de quelques saynètes de Roméo et Juliette le jeudi après-midi.
Sur trois espaces différents, le travail en groupe restreint de la matinée permet à chaque intervenant de renouer les liens avec les étudiant·es. Peu familiers du monde du théâtre et de ses codes, l’exercice n’est pas des plus aisés pour eux de prime abord.
Travail du corps, du regard, de la danse et de l’espace, ces derniers se prennent petit à petit jeu mais restent sur la réserve. La connivence entre artistes et étudiant·es est fragile, handicapée par la coupure forcée en janvier.
Après une pause méridienne, place au jeu d’improvisation en groupe complet.
L’occasion pour nos artistes de placer les élèves dans une démarche plus active en s’appuyant à la fois sur leurs connaissances professionnelles et sur leur imagination, tout en jouant sur les clans Capulets/Montaigus.
1ère saynète : dans un magasin, un jeune Montaigu est dénoncé par un jeune Capulet auprès de deux agents de sécurité Capulets. Le prétendu chapardeur nie les faits reprochés. La responsable du magasin, une Montaigu est alors appelée.
Redoublant d’imagination, d’inventivité, de répliques savoureuses et d’assurance dans leurs gestes, nos étudiant·es se révèlent de surprenants comédien·nes.
La passerelle entre la mise en pratique de leurs acquis professionnelles et l’improvisation théâtrale fait mouche ! À tel point que, sans sourciller, chaque groupe va accepter de rejouer la scène avec des variantes et suivants les recommandations de l’équipe artistique (parler plus fort et distinctement, prendre son temps, écouter l’autre, adapter son jeu aux enjeux de chaque famille....).
Les deuxième saynètes (un malaise d’une Capulet à un festival avec début de bagarre entre Capulets et Montaigus) et troisième saynètes (un Capulet qui annonce à ses camarades qu’il est tombé amoureux d’une Montaigu et qu’il souhaite changer de camps) remportent le même succès.
Réticent·es, les voici volontaires !
Cette première journée se clôture par un double exercice d’improvisation et d’éloquence : une déclaration de guerre et une déclaration d’amour.
L’exercice est assuré avec brio par Thomas, en solo.
Il se jette à l’eau avec un bagou qui bluffe toute l’audience.
Rejoint ensuite par ses camarades pour poursuivre ces deux actions en groupe.
Cette première journée a lancé les retrouvailles et permis aux élèves de s’embarquer à nouveau dans l’univers des artistes.
De belles promesses confirmées dès le deuxième jour.
La matinée sous forme d’ateliers en petits groupes permet de libérer la parole des élèves, de revenir sur l’humeur du jour et le ressenti par rapport à la veille. Dans l’atelier d’Antonin, l’évocation du contexte de guerre civile lié à l’univers de Roméo et Juliette fait très rapidement le pont avec la triste actualité internationale. Les élèves mettent des mots sur leurs peurs et échangent sur le conflit aux portes de l’Europe. Le jeune metteur en scène en profite pour donner quelques notions de géopolitique et d’histoires aux étudiant·es.
S’en suit des jeux théâtraux où les élèves, même les plus réservé·es du premier jour s’investissent.
Le second après-midi accentue le travail d’improvisation avec la reconstitution de scènes de procès, basés sur des cas fictionnels, inspirés de l’univers de Roméo et Juliette et de la rivalité entre les deux clans.
Tout le décorum d’un vrai tribunal prend place dans l’atelier.
Juge, assesseurs, greffier, procureur, victime, accusé·e, témoin, juré·e... tout y est !
Les élèves se bousculent pour endosser les différents rôles. Les idées fusent, les réparties sont justes, les voix se font plus claires, plus affirmées, plus limpides.
Sans s’en rendre compte, c’est une vraie scène de théâtre qu’ils et elles sont en train de livrer.
Des performances qui ont le don de surprendre les membres de l’équipe pédagogique venus tour à tour assister à ces audiences.
Capulets et Montaigus s’affrontent à coup d’arguments pour le moins surprenants mais les deux clans s’affirment !
De bon augure avant le jeudi, où les adolescentes vont quitter le monde de l’improvisation pour s’emparer du texte originel de Shakespeare, le temps de quelques scènes.
De quelques volontaires en début de semaine, voici que la majeure partie d’entre eux réclament le texte à lire et comprendre pour l’interprétation du jeudi après-midi.
Le défi est relevé au grand plaisir de toutes les parties embarquées dans cette aventure.
Après une dernière journée d’ateliers et de travail du répertoire de Roméo et Juliette, élèves et équipe artistique se quittent avec la perspective de retrouvailles prochaines.
Début avril, élèves et artistes se donnent rendez-vous au Fourneau à Brest où le collectif Lyncéus effectuera sa première résidence de création Roméo et Juliette, Montaigus/Capulets.
L’occasion pour les jeunes de découvrir le processus de création du collectif et d’appréhender les rouages d’un Centre National des Arts de la Rue et de l’Espace Public.
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