CLAUDE ON A CLOUD
BE CLAUDE est un spectacle de rue qui marche sur un fil - que dis-je ? - sur un cheveu tout au plus, et tendu entre deux nuages. A la suite de CLAUDE on y marche à plusieurs. Ça ne craque pas. Ça plie forcément un peu mais ça ne rompt pas. La Compagnie 1 WATT était aux Jeudis du Port, à Brest, et c’était - tiens donc - le jeudi 1 AOUT.
Le CLAUDE on voit qui c’est. On croit voir qui c’est. C’est un homme, une femme, les deux. Le CLOUD, ce n’est pas forcément ce qui traverse le ciel au-dessus de nos têtes. C’est plutôt ce qui traverse l’intérieur de nos têtes. Celle de CLAUDE. Celles de tous ceux qui le regardent et le suivent.
Etre CLAUDE est, si l’on suit CLAUDE, à la portée de tout un chacun et chacune : tu entres avec enthousiasme dans une tâche simple et considérable. Exemple : laver la vitrine d’une boutique avec l’outil ad hoc. Puis, parce que l’outil ne suffit pas et qu’il est le prolongement du corps, tu peux aussi bien utiliser ton corps tout entier : membres, cul, tête et le reste. Mais, du coup -est-ce cette tâche singulière -laver une vitre- ou le nuage qui traverse la tête ?- le corps du laveur dit plus, devient plus que ce qu’il était au départ. Sans rien briser, le laveur traverse la vitre. Et l’envers trouve vite son revers, le côté pile trouve son côté face, le recto trouve son verso et la part masculine trouve sa part féminine. Et vice versa, bien entendu.
A partir de là, s’ouvre le champ des possibles et celui de pas mal d’impossibles. A ce stade on n’a plus rien à se refuser. Voici CLAUDE et sa machine -une boîte vocale et musicale qui l’interroge, lui suggère, le guide et l’égare- libres comme nuages dans le ciel. Au-dessus du port, les mouettes viennent y voir de plus près. Les passants, les spectateurs disent oui à toutes les invitations, les audaces, les déambulations... Que le CLAUDE défile royalement, il trouve à ses côtés de beaux spécimens de mannequins des deux sexes. Que le CLAUDE titube, vacille, chute et il trouve une épaule secourable. Si CLAUDE semble bien solitaire, il n’est jamais seul. Il nous cherche, vous et moi, et il nous trouve, y compris et surtout quand il choisit de nous parler.
Autour de soi, spectateur, on entend ici ou là : c’est décalé. Oui, madame, mais le décalisme est un art, une science, une philosophie. Vous en reprendrez bien une petite dose. On entend ici ou là : c’est déjanté. Oui, monsieur, mais le déjantisme est un art, une science, une philosophie. Vous en reprendrez bien une lampée. Avec BE CLAUDE, la Cie 1 WATT vous offre quelques clés. Profitez-en pour ouvrir tout ce qu’il reste à ouvrir en vous et autour de vous. Le comédien qui articule tout cela, c’est Pierre Pilatte. Pierre c’est moins pratique que CLAUDE pour trouver sa part féminine. C’est lui qui porte à bout de bras les watts d’énergie qu’il faut pour donner BE CLAUDE, quatrième projet de la Cie 1 WATT pour la rue. Et pas d’erreur, précisons ici que la Compagnie ne tire pas son nom d’un quelconque accord avec EDF ou EDB (Pierre Pilatte est belge), mais du roman éponyme de Samuel Beckett dont le dossier de presse de la compagnie cite une phrase : Mais il y avait là des connaissances à qui ne pouvait échapper l’exceptionnelle qualité de Watt, de son entrée, de sa chute, de son rétablissement et de ses attitudes depuis. C’est tout CLAUDE ça. C’est bien lui. Et c’est nous aussi, non ? Oui, nous, sur notre nuage.
Pierre Abgrall
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