La Cha Ô : enquête sur le territoire de Caulnes
Les lycéens en action !
Du lundi 25 au mercredi 27 mars 2019, Charlotte et Pierre-Louis, les arpenteurs des Ribines, ont rejoint pour la troisième fois le lycée agricole de Caulnes et la classe de 1ère STAV.
Les élèves ont mené une véritable enquête de territoire aux côtés des deux arpenteurs : rencontres, témoignages, cartes subjectives et travail sur le récit. Cette immersion dans l’univers de la compagnie les Ribines a permis aux lycéens de s’impliquer largement dans le projet et de mieux comprendre le sens du Cha ô.
Briefing avant arpentage avec Pierre-Louis et Charlotte.
Durant ces trois jours, plusieurs rencontres ont été provoquées autour du lycée. Celles-ci ont bouleversé les repaires des lycéens. À tel point que lors de la mise en récit de leur aventure, chacun des élèves a évoqué l’histoire de la famille anciennement propriétaires de la ferme où se tient aujourd’hui le lycée. En effet, leurs échanges avec Monsieur Colombel, qui vit toujours aux portes de l’établissement, ont révélé la mémoire du lieu. Celle-ci a éclaté comme un geyser aux yeux des élèves. Cette famille expropriée pour la construction de l’établissement (un collège à l’origine) porte une histoire bien tragique. En effet, plusieurs membres des Colombel n’ont pas supporté être arrachés à leurs terres.
Articles de journaux parus dans la presse au moment de l’expropriation des Colombel.
Ce témoignage poignant n’a bien entendu pas laissé les élèves indifférents. "On pensait connaître le lycée, mais on ne connaissait rien. (...) Tout le monde doit savoir. On se sent un devoir de le partager...et dans l’esprit Cha ô pour que tout le monde s’en souvienne. Raccorder avec le présent mais se faire comprendre et rester accessible.(...) Nous sommes les garants de l’histoire du lieu."
D’autres histoires plus légères ont permis aux lycéens d’en apprendre plus sur les activités de cette ferme : "Ici, on tuait les cochons pour en faire du pâté (...) ou des jambon-beurre" rigolent les élèves.
Avant d’inventer leur propre récit et histoire du lieu, les élèves se sont appliqués à répondre à plusieurs questions identifiées avec Erwan Bariou, leur professeur d’éducation socio-culturelle, et la compagnie Les Ribines. C’est par petit groupe, et avec beaucoup d’humour, qu’ils y répondent :
- C’est quoi arpenter un lieu ?
Justine, Alison et Loanne se mettent dans la peau de Charlotte et Pierre-Louis à travers la réalisation d’une vidéo explicative. "Arpenter, c’est définir une zone, mesurer. (...) Regarder les couches d’histoires du lieu, creuser, trouver des failles. Se poser des questions sur l’avant et sur le maintenant. (...) C’est ça l’arpentage !"Premiers tests à l’extérieur pour les lycéens.
- C’est quoi une zone de Cha ô ?
Manon et Andreas expliquent dans une vidéo ponctuée d’humour, le pas de côté qu’elles ont expérimenté dans la zone Cha ô. Comment identifier "une zone Cha ô, c’est un espace délimité avec des connexions entre des figures, des images, des lieux. L’exploitation agricole de Caulnes présente plusieurs couches d’histoires. C’est un mélange du monde animal et humain, du monde réel et irréel. (...) Que cela nous permet-il d’apprendre ? On a une vision parallèle sur le monde à l’envers et le monde réel, dans le monde réel il y a des histoires et nous cherchons des connexions entre ses couches d’histoires. Parce que tout le monde pense connaître l’histoire du lycée mais qu’en fait... personne ne la connaît."
Le personnel du lycée et les habitants voisins se sont prêtés au jeu des rencontres. Ils témoignent de leur vécu auprès des élèves.
- C’est quoi le récit Cha ô ?
"Un récit Cha ô, c’est raconter l’histoire d’un lieu, d’un territoire, grâce à des informations récoltées par des personnages, des images, des expressions de gens, des informations du passé et du présent. On fait ensuite des liens entre les histoires, on cherche les failles, on recherche l’invisible. On regarde les choses qui ne sont pas habituelles. Le récit Cha ô a une particularité c’est que tout est sur la même temporalité, tout est sur le même plan, les informations du passé sont traduites au présent, cela permet de mettre un peu de sa personnalité dans le récit, car en racontant on mêle sa propre histoire à celles vécues par d’autres, on en invente aussi."
Après avoir répondu à ces questions, les élèves s’appliquent à écrire leur récit, fable sensible et poétique de l’histoire du lieu. Plusieurs jeunes partagent leur écrit avec le groupe :
- Restitution de Ilona :
"Ce lycée est un collège agricole, un exemple, il est number one, fière de l’être, 100% de réussite. Mais il renferme aussi plein de mystères : il y a encore des dinosaures qui vivent ici, des couples qui sont formés, partis, devenus parents et leurs enfants sont ici aussi. Des couloirs à bisous mystérieux, la chambre noire des coins où se faufiler, des cours où on entend des bruits. Ce lycée est un manoir, rempli de familles et d’esprits. Vous voyez les pierres qui sont par terre là en bas ? Ce sont les pierres les voyageuses. Elles vont de maison en maison. Les pierres de ce manoir vivent et voyagent encore parmi nous. Dans le sol, dans les murs, vous ne les voyez pas mais elles sont là. Et dans ce collège je vis ma vie pour construire mon pont, pour ma réussite. Ma vie est comme un pont, je prends les matériaux dont j’ai besoin pour le construire. (...) Je croyais que c’était mon père qui le bâtissait, ma famille, mais c’est moi qui faisais le pont mais sans même que je le sache et beaucoup de gens m’aident à construire ce pont. Dans ce lycée, il y a eu un massacre de cochons et les enfants ont peur. Je sais que la vie est dure parfois, on s’est pris des murs, les fenêtres sont ouvertes ou parfois fermées. Alors il faut creuser, il faut chercher la clé pour qu’elles s’ouvrent. Mais c’est la vie, c’est notre vécu."
Andrea rassemble tous les éléments recueillis durant ces trois journées d’arpentage pour en faire un récit.
Un temps de préparation a été programmé en avril 2019 en vue de la restitution finale qui sera l’occasion de partager à tous, les récits de ce lycée pas comme les autres, ce lycée Cha ô.
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